Mémoire d’entreprise : pourquoi et comment la préserver ?

Plus qu’un simple héritage, la mémoire d’entreprise est un actif stratégique qui contribue notamment à la fidélisation des talents, à l’innovation et à la résilience face aux crises.

La mémoire des entreprises représente « l’ensemble des actions, individuelles ou collectives, et des actifs mis en place pour pérenniser, transmettre et valoriser les savoirs, savoir-faire comme savoir-être, ou leur histoire globale ». Cette définition, extraite d’un rapport de l’Institut Choiseul, met bien en valeur les deux grands volets de la mémoire des entreprises : matériel (bâtiments, archives…) et immatériel (savoir-faire, expériences vécues, récits partagés). Sujet encore mal compris et sous-exploité en France, la mémoire des entreprises est pourtant « d’intérêt stratégique » pour les dirigeants et les actionnaires, plaide le think tank dans cette étude menée avec l’Observatoire B2V des mémoires et le cabinet de conseil Eurogroup consulting.

Un levier d’attractivité…

Considérée comme un « actif extra-financier à part entière », la mémoire d’entreprise a plusieurs champs d’application. Elle constitue tout d’abord un levier d’attractivité et de fidélisation des talents à un moment où les actifs de la génération Z changent régulièrement d’emploi (tous les 3,5 ans contre neuf pour les collaborateurs plus âgés, selon les données Linkedin). En préservant les savoir-faire et les expériences, la mémoire d’entreprise peut aussi participer au bien vieillir des salariés en reconnaissant leur rôle dans la transmission des savoirs.

… et de performance opérationnelle

La mémoire est également un levier de performance opérationnelle permettant à l’entreprise de « capitaliser sur son passé pour mieux s’adapter aux défis de demain ». Le rapport de l’Institut Choiseul cite ainsi plusieurs exemples de sociétés ayant pris appui sur leur mémoire pour concevoir des innovations et capter de nouveaux clients.

La mémoire d’entreprise peut aussi se révéler précieuse pour traverser les périodes de crise, en faisant office de boussole. L’analyste Jérôme Bodin du bureau d’études Oddo BH, cité dans l’étude, compare les entreprises à des « corps biologiques » : comme le médecin, l’entreprise doit connaître ses antécédents pour pouvoir faire un diagnostic.

 

Pour Pascal Lorot, président de l’Institut Choiseul, les entreprises ont ainsi « tout à gagner » à structurer leur mémoire. Pour ce faire, elles doivent disposer de bons outils en matière de gestion des connaissances (knowledge management) afin d’éviter la fuite de savoir-faire et de l’expérience accumulée en cas de départs, anticipés ou non. Elles peuvent aussi mener des actions concrètes comme la mise en place de modules sur la mémoire dans les formations de management et le déploiement d’instances de réflexion ou d’ateliers sur ce sujet.

Développer des outils et méthodes adaptés

D’après les auteurs de l’étude, des efforts restent nécessaires tant pour sensibiliser les chefs d’entreprise à l’importance de préserver la mémoire de leur société que pour développer des outils et des méthodes adaptés (indicateurs, solutions d’archivage, automatisation de la collecte des nouvelles données…). Les pouvoirs publics pourraient encourager cette démarche, par exemple en intégrant la gestion de la mémoire aux rapports RSE ou en instaurant un crédit d’impôt mémoire, à l’image de celui déjà en vigueur au Royaume-Uni.